L’histoire de Marie (part 2) Face au diagnostic, face à soi-même
Le 10 avril 2018, la vie de Marie a basculé. Ce jour-là, elle entre au bloc, pensant qu’une simple opération suffira à réparer son dos et à lui redonner sa liberté. Mais lorsqu'elle se réveille le syndrome de la queue de cheval lui laisse des séquelles irréversibles.
Comment avez-vous vécu l’annonce de la nécessité de l’autosondage ?
Ça a été un tsunami. Je suis infirmière, je connais la technique, mais l’accepter pour moi-même a été très difficile. Je suis passée par toutes les phases du deuil : le refus, la colère, le découragement… J’avais honte, je ne voulais pas me sonder en dehors de chez moi. Ça a été une lutte intérieure énorme. Je ne voulais pas de cette vie avec autosondage et aussi des lavements. Je buvais moins pour éviter d’avoir à me sonder… Évidemment, ça a entraîné des infections à répétition. Je me débattais entre mon côté infirmière, qui savait ce qu’il fallait faire, et mon côté patiente, qui ne voulait pas l’accepter. J’étais épuisée physiquement et mentalement ; j’ai fini par consulter une psychiatre en 2019 parce que je n’arrivais plus à avancer. J’avais des idées noires. J’ai mis deux ans à sortir la tête de l’eau.
‘’J’avais l’impression d’être à la fois l’infirmière qui sait ce qu’il faut faire et la patiente qui n’a pas envie de le faire ‘’
Vous avez également dû faire face à des complications intestinales.
Comment les gérez-vous au quotidien ?
C’est le plus difficile à gérer. Je dois faire des lavements tous les jours, ce qui est très contraignant. Mais j’ai fini par accepter que ça fasse partie de ma vie.
Comment les choses ont-elles évolué ?
C’est un événement tragique qui va provoquer un déclic : le décès du meilleur ami de mon fils, un adolescent de 14 ans. J’ai réalisé que moi, j’étais encore là, avec mon fils en bonne santé. Ça a remis les choses en perspective. Je ne pouvais plus rester dans cette colère. J’ai lâché prise.
J’ai lâché prise. À ce moment-là, j’ai commencé à me réapproprier mon quotidien. J’ai appris à gérer mon matériel, à organiser mes journées en fonction, j’ai arrêté de lutter contre une réalité immuable. J’ai compris que c’était la seule solution pour retrouver une vie normale. J’ai mis en place une routine, j’ai trouvé des astuces pour que ce soit plus discret et plus pratique.
‘‘J’ai compris que c’était la seule solution pour retrouver une vie normale ‘’
Vous avez ressenti une certaine stigmatisation.
Quand j’ai commencé, je me suis sentie très seule. Isolée… Je ne connaissais personne qui s’autosondait et j’avais honte d’en parler. Et puis dans le cadre professionnel, certains collègues étaient bienveillants d’autres manifestaient des attitudes d’incompréhension, avaient des commentaires désobligeants et me considéraient comme une fainéante. Et puis j’ai un bureau aménagé à mes besoins, ce qui a pu susciter des jalousies et des propos vraiment inappropriés. Je ne crois pas que ce soit un privilège ! J’ai géré ces situations avec de la distance, le plus important étant de me concentrer sur mon job et mon bien-être.
Aujourd’hui, d’ailleurs, j’espère que mon témoignage aidera d’autres patients à accepter leur nouvelle réalité et à voir qu’une vie épanouie est possible. Je veux aider d’autres personnes qui traversent les mêmes difficultés. J’aurais tellement aimé, dès le départ, rencontrer quelqu’un qui avait déjà vécu ça et qui pouvait me dire « accroche-toi, tu vas y arriver ».
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